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Quand les sous‑titres ont fait leur entrée… et transformé notre rapport à l’écran

Dernière mise à jour : 8 sept.

Avant les années 1980, regarder la télévision signifiait exclure certains téléspectateurs — notamment celles et ceux qui sont sourds ou malentendants. Film après film, dialogue après dialogue, l’écran restait silencieux pour eux, comme un rendez-vous manqué.

Jusqu’au jour où une technologie discrète, les sous-titres « fermés » (closed captions), a trouvé sa place entre les artisans du progrès et les foyers du monde entier — d’abord un outil de justice, puis un réflexe universel.


Un téléviseur montrant un sous-titre
Quand les sous-titres ont fait leur entrée, c’était pour inclure. Aujourd’hui, ils transforment l’expérience de l’écran pour tous, sans exception.

Leurs racines plongent dans un geste humblement ingénieux : en 1947, l’acteur sourd Emerson Romero — alias Tommy Albert — invente une façon astucieuse de rendre les films accessibles aux personnes malentendantes. Il découpait des segments de pellicule et y insérait, entre les images, des cartons de texte pour remplacer les dialogues. Ce travail artisanal, diffusé dans certains cercles spécialisés, avait quelque chose d’évident et presque lyrique : des mots glissés entre les images redonnaient du sens à celles et ceux que l’on voulait rejoindre.


Les premières véritables expérimentations télévisées datent du début des années 1970. WGBH, la station de la PBS à Boston, s’y essaie en ajoutant des open captions — visibles par tous — à des programmes comme The French Chef, de Julia Child.

Une initiative discrète mais symbolique : et si l’on pouvait voir les mots, plutôt que seulement les entendre ?


La machine technique s’enclenche véritablement à la fin de la décennie. Grâce à la réserve de la ligne 21 du signal TV, la technologie permet désormais d’insérer des sous-titres invisibles, activables ou non par le téléspectateur. En 1979 naît le National Captioning Institute, avec pour mission de diffuser cette innovation à grande échelle. Dès mars 1980, une poignée de programmes — The ABC Sunday Night Movie, Disney’s Wonderful World, Masterpiece Theatre — sont diffusés avec sous-titres optionnels : un moment décisif où l’écran s’ouvre enfin à toutes et tous.


Le calendrier n’est pas anodin : en octobre 1982 a lieu la première retransmission en direct avec sous-titrage en temps réel — un journal télévisé, capté et transformé sous nos yeux en texte. Derrière ce miracle, des sténographes chevronnés, ces voix silencieuses des tribunaux, capables de taper à une vitesse vertigineuse pour rendre les mots immédiatement lisibles.


La mutation technologique devient sociale lorsque la loi s’en mêle. En 1990, le Television Decoder Circuitry Act impose que tous les nouveaux téléviseurs intègrent un décodeur par défaut — plus besoin d’acheter un boîtier séparé. La même année, l’Americans with Disabilities Act affirme que l’accès aux médias doit être pensé pour toutes et tous. En 1996 puis en 2010, les obligations s’étendent aux téléviseurs numériques et aux plateformes de streaming. Ce qui fut une invention “marginale” devient alors un droit universel.


Ce chemin n’aurait pas de sens sans les voix qui l’ont porté. Le physicien sourd Harry Lang résume cette injustice en une phrase choc : « On a envoyé un homme sur la Lune, mais on ne savait pas encore sous-titrer pour des millions de personnes sourdes. » Et d’autres visages marquent cette avancée, comme Rosalynn Carter, saluant aux côtés du président le travail du NCI dès les premières diffusions sous-titrées.


Puis, une magie sociale opère : ce dispositif imaginé pour rétablir un lien devient un confort partagé. Des sondages révèlent qu’aujourd’hui, une majorité de jeunes activent les sous-titres sans aucune déficience auditive — comme une nouvelle forme de lecture silencieuse, dans les transports, un café bondé, ou simplement pour mieux saisir un dialogue chuchoté.


Certains estiment même que plus de la moitié des vidéos en ligne sont regardées sans le son… et que les sous-titres rendent l’expérience plus claire, plus accessible, plus active.

Ce chemin, né du minimalisme technique et de la quête de justice sociale, a traversé des décennies de combats — des brèves inscriptions entre les images aux mandats nationaux, jusqu’à ces technologies devenues invisibles pour certains mais vitales pour tous.


Aujourd’hui, dans nos foyers comme dans nos téléphones, les sous-titres rappellent une vérité simple : l’inclusion ne coûte rien de plus — elle enrichit la vie de chacun.


Sources et références

  • « History of Closed Captioning » – National Captioning Institute

  • Article Time : How Deaf Advocates Won the Battle for Closed Captioning…

  • Wikipedia – Closed Captioning

  • NIST – Closed Captioning for the Hearing Impaired

  • DCMP – Captioning Timeline Highlights

  • Hearing Health Matters – Captioning for Deaf People: Where Did It Come From?

  • Time.comHow Deaf Advocates Won the Battle…

  • New Yorker – Subtitling Your Life

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